Liceu opéra Barcelona : saison 20-21 dévoilée !
/Pour sa première saison post Covid, et même si elle a été préparée de longue date, le Liceu parie sur les valeurs sûres : Mozart, Verdi, Wagner, Puccini, Donizetti, Offenbach. Les distributions, les chefs et les metteurs en scène garantissent que les émotions seront à tous les rendez vous fixés par l'institution catalane. Ajoutons qu'une fois encore les opéras en version concert et les récitals mettent la barre de l'excellence lyrique au plus haut.
Parcourons le programme lisible en intégralité sur le site du Liceu (https://www.liceubarcelona.cat/en/programme-1) en nous arrêtant sur les productions les plus alléchantes, dont quatre ou cinq sont déjà à cocher dans nos agendas : Tannhäuser et Otello, d'un côté, de l'autre, Netrebko et Radvanovsky (chacune à deux occasions).
Du côté du théâtre
« Viva la liberta ». La proclamation du libertin résonnera plus profondément encore pour cette reprise du Don Giovanni mis en scène par Christof Loy et dirigé par Josep Pons. Le couple Maître-valet sera incarné par deux de ses meilleurs titulaires Christopher Maltman et Luca Pisaroni. De magnifiques chanteuses à leurs côtés, Véronique Gens et Miah Persson que j'ai hâte de découvrir dans le rôle d'Anna (Du 24/10 au 8/11)
Du 5/12 au 30/12, Le Liceu propose ce qu'un de mes plus estimés confrères nomme une « production alimentaire » sans que l'expression se veuille péjorative. En ces temps de trouble, il faut aller à la rencontre du public le plus large avec des œuvres connues, justement adorées, mais qui imposent pour atteindre leur but émotionnel une exigence musicale absolue, ce qui est toujours le cas à Barcelone. Speranza Scappucci dirige l'Orchestre et les chœurs maison pour LA TRAVIATA dans la mise en scène éprouvée et passionnée de David McVicar. Une double distribution promet de la beauté et des larmes.
Pour l'Hoffmann de John Osborn, pour l'Antonia d'Ermonela Jaho, pour la Muse et le Nicklausse de Stéphanie d'Oustrac, pour la mise en scène de Laurent Pelly, on se précipitera aux Contes d'Hoffmann d'Offenbach (du 18 au 31/01/2021). La double distribution devrait réserver de belles surprises.
Avant Madrid et Paris, Barcelone accueille la production du récent opéra (2018) de George Benjamin Lessons in love and violence. Le librettiste désormais attitré du compositeur britannique Martin Crimp et sa metteure en scène de prédilection Katie Mitchell recompose le trio gagnant de Writtten on skin. Modernité signifie à nouveau intensité, musicalité, beauté. C'est une partition inouïe que sert le créateur de l’œuvre, le baryton français Stéphane Degout. porté par la direction de Josep Pons. Georgia Jarman relève le défi de chanter le rôle d'Isabel que servait à la création Barbara Hannigan et que la soprano américaine, choisie par le compositeur lui-même, chante cette année partout dans le monde (Du 26/02 au 11/03)
Venue de Covent Garden, la séduisante production d'OTELLO de Verdi se pare de la présence de chanteurs d'exception : Gregory Kunde et Jorge de Leon dans le rôle titre, Carlos Alvarez ou Željko Lucic en Iago, Krassimira Stoyanova ou Eleonora Buratto, les plus tendres Desdémone. Et nouvelle occasion d'entendre dans Cassio le jeune ténor espagnol découvert au Capitole de Toulouse, Airam Hernández.(Du 27/03 au 14/04).
TANNHÄUSER du 8 au 23 mai 2021 : le Liceu entretient avec l’œuvre de Wagner un long et fertile compagnonnage. On ne compte plus les productions qui exaltent les opéras majeurs du compositeur. Le Tannhäuser à venir ajoutera une nouvelle pépite à cet héritage musical. C'est dans la fameuse mise en scène de Robert Carsen, à la fois audacieuse et plébiscitée pour son intelligence que Stefan Vinke, wagnérien accompli, hésitera entre les charmes de Johanni van Oostrum et de Michelle DeYoung. David Afkham, chef d'orchestre principal de l'Orchestre national d'Espagne dirigera la partition devant une phalange qui a avec cette musique d'évidentes affinités.
Créée à Tokyo en mars 2007, reprise à l'Opéra Bastille de Paris en décembre de la même année, la production signée de Robert Carsen a déjà été présentée au Liceu au printemps 2008: un DVD perpétue le souvenir de cette série de représentations avec Günther Groissböck Hermann, Peter Seiffert Tannhäuser, Markus Eiche Wolfram von Eschenbach, Petra Maria Schnitzer Élisabeth, Béatrice Uria-Monzon Venus. On sait que le metteur en scène canadien fait du héros un peintre tourmenté, subjugué par la splendeur érotique de son modèle (Vénus) et incompris par ses contemporains : la passion amoureuse devient ainsi métaphoriquement la passion dévorante de l'art. Quand à la fin s'unissent les deux figures de la beauté (Elisabeth et Vénus), l’œuvre est accomplie. Le peintre devient la représentation symbolique de tout créateur- et donc de Wagner lui même – dévoré par son art, tout entier tendu vers la réalisation du rêve à atteindre, travailleur acharné, sourd aux critiques, démiurge à la fois fragile et puissant, violent, arrogant, indifférent à tout ce qui n'est pas sa quête esthétique, transgressif, interdit, censuré, nié pour avoir osé l'indicible – l'indécent - , maladroit, mais héroïque., vainqueur in fine d'une société non pas ici seulement puritaine, mais étroite, fade, pétrie de certitudes, emmurée dans ses conventions, dogmatique, stérile. Jamais dans cette mise en scène - et c'est une de ses forces -, on ne verra le tableau que peint Tannhäuser dont le chef d’œuvre rejoint dans un final superbe la collection fulgurante des grands nus de la peinture universelle. Cette lecture qui a suscité au départ des débats, quelques protestations, et un accueil admiratif est désormais considérée comme une des plus abouties, cohérentes, intelligentes de l'opéra de Wagner témoignant du respect le plus profond pour ce que fut - vie et œuvre mêlées - le grand compositeur.
Pour aller beaucoup, beaucoup plus loin( et à contre courant) : Ce qu’il advient de la musique quand Tannhäuser devient un peintre, Conférence de Bernard Sèveau Collège de France. https://books.openedition.org/cdf/4782?lang=fr
Mise en scène superbement par Alex Ollé, LA BOHÈME de Puccini drainera catalans et visiteurs pour une série de quinze représentations avec double, voire triple distribution pour le rôle de Mimi (fin juin, début juillet).
Enfin c'est une autre assurance succès qui clôturera la saison, mais sur un nombre trop limité de séances, avec une distribution au sommet : LUCIA DI LAMERMOOR (du 16 au 28 juillet) réactualisée par Barbara Wysocka avec Nadine Sierra,étincelante Lucia, Javier Camarena, ténor virtuose, et le toujours convaincant Mariusz Kwiecien sous la direction experte de Giacomo Sagripanti.
Je résume : une année sage et cependant luxueuse, tant les productions s'annoncent exemplaires de probité artistique et d'excellence musicale.
Du côté des concerts lyriques
La réouverture sera faste avec deux récitals exceptionnels :
- le 27/09, Piotr Beczala et Sandra Radvanovsky qui sans la crise sanitaire, devaient être les héros de l'Aida de Verdi au Festival de Péralada tout proche en août, amortissent les regrets par un programme Verdi/ Puccini de haute volée.
- Il Trovatore de Verdi dans une distribution éblouissante qui se passerait presque de commentaires (Anna Netrekbo, Yusif Eyvazov, Ludovic Tézier, Okka von der Damerau) n'était la présence de la mezzo soprano allemande dans le rôle d'Azucena, à découvrir absolument. (1° et 4 octobre). Le public barcelonais retrouvera la diva, Anna Netrebko, le 27 janvier pour un récital avec piano.
Juan Diego Florez a construit un programme de choix pour son récital du 30 octobre : Rossini, Donizetti, Bellini, puis Massenet, Offenbach, Verdi. Qui résisterait ?
Mitridate re di Pionto de Mozart vaudra pour la direction toujours ardente de Marc Minkowski, et un fabuleux quatuor de jeunes chanteurs, le Mithridate du néo-zélandais Pene Pati, bardé de prix, probablement le ténor le plus talentueux de la génération montante, Julie Fuchs, Elsa Dreisig et Jakub Josef Orlinski.(24/11)
Présente-on encore au public catalan l'unique Sondra Radvanovsky ?
Dans un programme époustouflant d'audace, d'endurance, de tension dramatique, la Reine des sopranos propose un récital présentant les Trois Reines de Donizetti dans une Trilogie Tudor (Anna Bolena, Maria Stuarda et Roberto Devereux) dont chaque spectateur gardera un souvenir indélébile.
Un cadeau de Noël juste avant l'heure (23/12).
Platée, Rameau, William Christie : les Arts florissants ! Un bain de jouvence, une source de jubilation non dénuée d'amertume (le 03/02). Rameau n'est-il pas un des plus grands compositeurs d'opéras ? Il ne faut jamais manquer une occasion de le vérifier.
Enfin, My Fair Lady les 22 et 23 juillet : tout Broadway, la finesse de George Bernard Show et la perfection du Musical sur la scène du Liceu.
Puisse partout dans le monde la crise sanitaire disparaître et permettre à tous les artistes de retrouver un public fervent, avide d'émotions. Les annonces du Liceu alimentent cet espoir.
JJ
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