Teatro Real, Madrid, saison 2020-2021
/La programmation de la saison du Teatro Real de Madrid s'annonce... royale. De l'art lyrique baroque aux créations mondiales, elle fera entendre les partitions entre autres de Mozart, Donizettti, Verdi, Puccini aussi bien que Dvorak, Wagner, Strauss, Benjamin Britten ou George Benjamin. Productions originales ou somptueuses reprises, grands metteurs en scène ou opéras en versions concerts invitent sur scène des chanteurs de tout premier plan, d'Anna Netrebko à Jonas Kaufmann, de Tatiana Serjan à Eric Cutler, de Lise Davidsen à Andreas Schager, de Michael Spyres ou Jonh Osborn à Julia Lezhneva, d'Erwin Schrott ou Stéphane Degout à Karita Mattila et à Sondra Radvanovsky…
Les abonnés auront la chance de parcourir cinq siècles de musique, de l'âge d'or baroque avec un spectacle sur El nacimiento del Rey Sol où brillera la Noche de Lucile Richardot, à l'œuvre contemporaine du compositeur espagnol né en 1984 à Madrid, Germán Alonso : il dirigera son opéra Marie où passeront les ombres de l'héroïne de Woyzeck chantées par Nicola Beller Carbone.
Les non abonnés ou les touristes butineront dans la programmation en fonction des saisons : Un ballo in maschera de Verdi pour le Ricardo de Ramon Vargas, l'Amelia d'Anna Pirozzi, le Renato de Goerge Petean ? Ou Asmik Grigorian, prodigieuse Salomé il y a peu, Eric Cutler et Karita Mattila dans Russalka de Dvorak sous la direction d' Ivor Bolton et la régie de Christof Loy ? Ou dirigé par le même et actuel directeur musical du Teatro Real de Madrid, le puissant Peter Grimes de Britten dans la mise en scène de Deborah Warner, duo auxquels on doit un Billy Budd de référence en ces mêmes lieux ? Ivor Bolton s'est aussi réservé - comment ne pas le comprendre ? - la direction de Don Giovanni dans la célèbre version salzbourgeoise signée Claus Guth dont le prodigieux Christopher Maltman était déjà le héros mortifère et blessé. Dans une double, voire triple distribution, on choisira le Leporello cabotin d'Erwin Schrott, le Don Ottavio racé du jeune ténor espagnol Airam Hernández, l'Elvira tourmentée d' Anett Fritsch et la Donna Anna de Brenda Rae, la soprano américaine qui sera juste après la Lulu de Berg au MET !
Pour les amateurs d'émotions fortes qui aiment passer de l'angoisse au rire, de la fresque historique violente à la farce débridée, je conseille le choc des opéras programmés en mai juin 2021. Se succéderont en effet les Lessons in love and violence du plus intense des compositeurs lyriques contemporains George Benjamin où triomphera comme à la création le grand baryton français Stéphane Degout (Direction musicale, Josep Pons, Directrice de scène, Katie Mitchell) et la désopilante comédie lyrique de Donizetti, Viva la Mamma. Le metteur en scène Laurent Pelly a conçu une comédie des comédies, un théâtre dans le théâtre où vont se déchaîner pour le meilleur et pour le rire les egos démesurément boursouflés (pour la circonstance) de Nino Machaidze ou Sabina Puertolas, Carlos Álvarez et Xabier Anduaga.
Avant d'aborder les trois productions qui s'annoncent comme les sommets de la saison madrilène (Siegfried, Norma, Tosca), un mot s'impose pour les opéras en version concert. Deux rendez vous exceptionnels à nos yeux, tant par la direction d'orchestre que par la distribution...prestigieuse :
* Elektra de Richard Strauss sous la direction d'un des chefs les plus exigeants Elsa-Pekka Salonen avec la Clytemnestre d'Anna Larsson, l'Elektra d'Irene Theorin, la Chrysothemis de Lise Davidsen et Stefan Vinke en Egisthe.
* Orlando furioso d'Antonio Vivaldi, avec Max Emanuel Cencic, Julia Lezhneva et David D.Q. Lee et George Petrou et son ensemble Armonia Atenea : la fine fleur du baroque.
Trois productions retiennent l'attention et méritent le voyage.
Robert Carsen a signé une Tétralogie dont les madrilènes ont pu apprécier en février 2020 le deuxième volet, La Walkyrie. Dans la même veine, il poursuit sa réflexion débutée à Cologne dans les années 2000 avec un Siegfried dont le décor de zone va surprendre, voire choquer. Mais Mime n'est-il pas un exclu ? Le metteur en scène canadien offre toujours un regard nouveau, original, acéré, décapant sur les œuvres qu'il aime et qu'il respecte : la scène finale - le réveil de Brunnhilde - séduira, éblouira. Pour servir sa conception, Robert Carsen aura à sa disposition de grands interprètes : Andreas Shager sera le héros wagnérien ; à ses côtés Ricarda Merbeth, Tomasz Konieczny, Martin Winkler. La direction de Pablo Heras-Casado saura donner à la partition toute sa force, sa vivacité et sa poésie.
On complétera un week-end de feu avec Norma de Bellini. Deux magnifiques Pollione, Michael Spyres et John Osborn, puissance et élégances mêlées, auront séduit les Norma d'Yolanda Auyanet, bel cantiste aguerrie et d'Hibla Gerzmava, belle Elisabeth de Valois dans le Don Carlo de Bastille, aussi bien que les Adalgisa que seront la française Clémentine Margaine, déjà grande Carmen et Annalisa Stroppa qui a chanté le rôle à Palerme et Barcelone. Depuis 2014, Justin Way est Directeur des productions du Teatro Real de Madrid : le metteur en scène australien saura animer une action et une direction d'acteurs qui exigent subtilité et puissance dramatique. Ces qualités irrigueront à coup sûr la direction de Maurizio Benini à la tête d'un orchestre rompu à toutes les facettes de l'art lyrique.
Et l'année va se clore en beauté, en passion, en vibration extrême.
Cruel et délicieux dilemme : choisir sa distribution idéale pour la Tosca de juillet 2021 à Madrid. Recopier les cast proposés c'est dresser la liste des Toscas les plus fiévreuses, des plus séduisants Mario, des Scarpia les plus saisissants qu'on puisse admirer sur les planches d'un théâtre lyrique. Donc, on ne choisit pas et on laisse faire le hasard des disponibilités des billets au risque certain de manquer Sondra Radvanovsky, Maria Agresta ou Anna Netrebko, de ne pas entendre Joseph Calleja, Michael Fabiano, Yusif Eyvazof ou Jonas Kaufmann, de ne pas trembler devant Carlos Álvarez, Gevorg Hakobyan ou Luca Salsi. Ainsi, on pressent que le mois de juillet sera chaud, très chaud !
Ces annonces remettent du baume et de l'espoir au cœur. Après le confinement, l'émotion va retrouver ses pleins droits.
JJ
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